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Denis Paradis savait que lui et ses amis appréciaient un bon verre de vin, alors, juste pour le plaisir, il a planté quelques vignes autour de sa maison. Les vignes ont prospéré et il a fait du vin. Il était bon.

Encouragé par ce succès, il a décidé d’acheter le terrain d’en face. Il a planté d’autres vignes, puis d’autres encore, dans l’idée de créer un domaine viticole – ou du moins un endroit où lui et ses amis pourraient se réunir, cueillir du raisin et participer aux vendanges et à une fête de foulage chaque automne.

« Ils buvaient tout le vin qu’ils produisaient, a raconté Marie-Florence Crevier-Paradis, la fille de Denis. Les premières années, sa seule ambition était de s’amuser. » Cependant, le rendement – et la qualité du vin – l’a poussé à réfléchir sérieusement à sa situation. Denis, avocat de profession, a compris qu’une occasion d’affaire unique se présentait à lui. Le Domaine du Ridge venait de prendre vie.

Vingt-huit ans plus tard, le Domaine du Ridge est reconnu comme l’une des plus grandes vineries du Québec. Situé à Saint-Armand, dans les Cantons de l’Est, à l’est de Montréal, le vignoble compte aujourd’hui plus de 234 000 pieds de vigne. Escale de la route des vins Brome-Missisquoi, la vinerie est l’une des plus grandes de la province.

Alors que dans certaines vineries du Québec, on commence à expérimenter les raisins vinifera, l’équipe du Domaine du Ridge a choisi de concentrer ses efforts sur les hybrides franco-américains, notamment le Seyval Blanc, le Vidal, le Seyval Noir, le Maréchal Foch, le Lucie Kuhlmann et le De Chaunac; Lle Vidal, le Maréchal Foch et le Lucie Kuhlmann étant les plus populaires.

« Il n’est pas exclus que nous essayions éventuellement de planter des vignes vinifera, mais nos hybrides sont adaptés au climat québécois, a expliqué Marie-Florence. Ils peuvent supporter les températures extrêmes auxquelles ils sont exposés »

Au Domaine du Ridge, il se crée environ 20 produits différents chaque saison, tous vendus uniquement au Québec. Chaque variété est récoltée et fermentée séparément avant d’être mélangée.

Le Stanbridge, nommé en l’honneur d’un village voisin, est l’un des meilleurs vendeurs du Domaine du Ridge. Il s’agit d’un blanc sec élaboré à partir de Vidal, avec des notes de lime, de fruits tropicaux et de fleurs. Il y a aussi le rosé Champs de Florence, l’un des rosés québécois les plus vendus à la Société des alcools du Québec (SAQ), les magasins de vin et de spiritueux gérés par le gouvernement de la province.

Le Fado est un vin fortifié de type porto, et l’équipe de la vinerie a également expérimenté la fabrication de vermouth. Chaque année, elle élabore un pet-nat, un vin mousseux de style ancien à fermentation spontanée, très populaire, ainsi qu’une piquette, une boisson alcoolisée française obtenue en ajoutant de l’eau au marc (les résidus de la fabrication du vin).

Les produits de la vinerie sont classés en quatre séries destinées à autant de marchés légèrement différents. La série Origin, qui n’a pas changé depuis 18 ans, comprend des vins rouges, blancs et rosés, ainsi que quelques spécialités, dont le fado susmentionné et un vin de vendange tardive.

Boy inspecting grapes on vine
Photo: Domaine du Ridge

En 2016, les lois provinciales sur les boissons alcoolisées ont changé et l’entreprise a pu commencer à vendre ses produits dans les épiceries. Une nouvelle série de vins spécialement destinés à ce marché a alors été créée.

Tirée de la série Origin, la troisième série est composée d’un rouge, d’un blanc et d’un rosé et est destinée aux acheteurs de la SAQ en particulier. La quatrième série, Les Petites Cuvées (une marque sœur), est destinée à la boutique du Domaine et à son site Web, ainsi qu’à certaines épiceries spécialisées du Québec. « Ces vins changent chaque année, pour le plaisir », a précisé Marie-Florence, ajoutant qu’ils sont tous produits en petites quantités.

En plus de tenir des activités de vente, le Domaine est l’hôte d’événements spéciaux et de mariages en début de saison, avant que l’auto-cueillette de pommes batte son plein dans les vergers voisins. « Nous avons beaucoup de place… cinq espaces différents pouvant accueillir 100 personnes chacun, a expliqué Marie-Florence. Et nous fermons une grande partie du site pendant les événements privés pour que chaque groupe puisse disposer de beaucoup d’espace. Ici, on est vraiment dans la nature. » En effet, être si proche de la nature signifie que le Domaine du Ridge accueille aussi beaucoup d’animaux sauvages sur ses terres.

« Nous savons que les raisins sont prêts à être cueillis quand les chevreuils et les oiseaux se pointent. Les ratons laveurs aussi », a précisé Marie-Florence. Ils utilisent des barrières pour empêcher les cerfs d’entrer dans les vignobles, et ils expérimentent également des filets. Ils essaient différents systèmes depuis que des ratons laveurs ont détruit l’un de leurs meilleurs vignobles en une nuit il y a quelques années. « Des milliers de raisins, perdus, a-t-elle déploré. Et nous pensions que ce serait l’une de nos plus belles récoltes. »

Marie-Florence Crevier-Paradis

C’est moi qui posais les étiquettes sur les bouteilles, avant que nous ayons des machines pour le faire. Je fixais les autocollants, un par un, à la main, en écoutant les Backstreet Boys. Imaginez la scène!

Marie-Florence Crevier-Paradis, Domaine du Ridge

La durabilité et l’environnement font partie intégrante de l’approche de l’équipe à tous les niveaux. « C’est l’une des raisons pour lesquelles ils font une piquette, a expliqué Marie-Florence. « C’est vraiment bien pour nous de réutiliser les raisins. »

Si les vendanges se font toujours à la main, la chaîne d’embouteillage est désormais automatisée, de même que le pressoir, qu’il leur a permis de gagner du temps et de réduire leurs efforts. Ils utilisent de la protéine de pois pour le collage des vins et n’ajoutent qu’une quantité minimale de sulfites.

La pluie peut être est problème, c’est pourquoi des systèmes de drainage sont installés dans chaque vignoble et, en hiver, ils utilisent des géotextiles pour protéger certains vignobles du gel. « Nous obtenons 30 % de raisins en plus quand nous couvrons les vignes, a expliqué Marie-Florence. Nos hivers sont marqués par de fortes variations de température – parfois 15 °C, parfois -20 ou -30 °C sans neige – et le tissu apporte une stabilité aux vignes, ce qui est une bonne chose. »

Il y a quelques années, l’entreprise a entamé des démarches pour obtenir la certification biologique. Elle est devenue depuis entièrement biologique et recevra sou peu sa certification. « C’est un grand défi parce que nous avons des températures extrêmes – très chaudes ou très froides, et beaucoup de pluie, a-t-elle ajouté. Notre combat contre la moisissure n’est pas de tout repos, mais nous ne nous laissons pas abattre. »

Closeup of feet mashing grapes
Photo: Domaine du Ridge

C’est beaucoup de travail. Constamment. L’équipe à plein temps de la vinerie est restée petite depuis le début, de 10 à 40 personnes, selon la période de l’année : environ 10 au bureau, 10 autres sur le terrain et 10 à la boutique, plus quelques extras au besoin. Denis est le président et fondateur, et bien qu’il commence à prendre du recul par rapport aux activités quotidiennes, il est sur place presque tous les jours.

« Vous le trouverez probablement sur le terrain, un verre de vin à la main, en train de discuter avec des visiteurs, a affirmé Marie-Florence. C’est ce qu’il aime faire. Nous nous sommes donné des titres, mais nous faisons tous un peu de tout. Nous nous soutenons les uns les autres. »

Marie-Florence était petite quand ses parents ont démarré la vinerie. « Pendant les vendanges, je jouais dehors avec les autres enfants, je courais dans les vignes », a-t-elle raconté. En grandissant, elle a commencé à travailler au domaine pendant l’été. Elle tondait les pelouses, travaillait dans les vignes et aidait à la boutique du Domaine, ainsi qu’à l’embouteillage.

« C’est moi qui posais les étiquettes sur les bouteilles, avant que nous ayons des machines pour le faire, a raconté Marie-Florence. Je fixais les autocollants, un par un, à la main, en écoutant les Backstreet Boys. Imaginez la scène! »

Ici, au Québec, nous avons un point de vue différent et nos techniques ne sont pas toujours les mêmes que celles des autres vineries du Canada, mais nous pouvons apprendre d’eux et ils peuvent apprendre de nous, dit-elle.

Marie-Florence Crevier-Paradis, Domaine du Ridge

Elle a fait des études universitaires en psychologie et en communications. Un été, un membre de l’équipe de la vinerie a démissionné et son père lui a demandé si elle pourrait revenir l’aider. « Je ne suis plus jamais partie, a-t-elle dit en riant. C’était il y a 11 ans. »

Au cours des prochaines années, Marie-Florence assumera davantage de responsabilités, car son père envisage de se retirer de la présidence. Elle est actuellement directrice générale du Domaine du Ridge et son mari, Isaniel Clairoux, vinificateur et designer, est chargé de la conception des étiquettes et de la stratégie de marque.

Le couple a trois jeunes enfants, qui passent beaucoup du temps au domaine, et y apprennent peu à peu ce que faire partie d’une famille de vignerons signifie. « Parfois, nous sommes très occupés, mais je veux qu’ils voient que c’est agréable aussi, a déclaré Marie-Florence. J’ai toujours eu une véritable passion pour cet endroit, et l’industrie est formidable aussi. J’adore. »

L’équipe du Domaine du Ridge juge important d’être membre de Vignerons Canada. Pendant un certain temps, Denis a siégé au conseil d’administration et, plus tôt cet été, Julien Lavallée, le directeur des ventes de la vinerie, avocat aussi, en est devenu membre.

Woman in white dress surrounded by candles and group of onlookers
Photo: Domaine du Ridge

« Ça l’amuse, mais ça nous donne aussi une idée de ce qui se passe dans l’industrie partout au Canada, a expliqué Marie-Florence. C’est très important pour les règlements, les lois et les ventes, et ça nous a permis de comprendre que nous occupons une bien petite place dans l’industrie. »

Cela dit, elle note que tout le monde a des connaissances importantes à partager. « Ici, au Québec, nous avons un point de vue différent et nos techniques ne sont pas toujours les mêmes que celles des autres vineries du Canada, mais nous pouvons apprendre d’eux et ils peuvent apprendre de nous, dit-elle. En même temps, notre culture du vin similaire et nous nous ressemblons sur bien des points. Nous pouvons nous aider mutuellement. »

Elle et son équipe s’efforcent d’appliquer ce concept à la vinerie.

« Notre équipe est composée de personnes très différentes, mais ensemble, nous sommes formidables. Le Domaine est notre vie. C’est un endroit spécial, et nous croyons pleinement en ce que nous faisons ici », a-t-elle conclu.